Une mauvaise réputation non méritée

Ce dossier en 4 parties est une libre traduction d’une série rédigée par James Krieger intitulée « L’Insuline, une mauvaise réputation non méritée« 

Je me sens désolé pour l’insuline. L’insuline a été tant décriée et présentée comme l’hormone du mal, celle qu’il faut à tout prix éviter. Dans les faits, pourquoi une hormone jouit-elle donc d’une si mauvaise réputation ?

Introduction

L’insuline est une hormone qui régule le niveau de sucre dans votre sang. Quand vous mangez, les glucides (mais dans une certaine mesure également les lipides et les protéines) sont convertis en glucose (une forme de sucre utilisable sous forme d’énergie en l’état par vos cellules). Le glucose pénètre votre sang, le pancréas, qui reçoit l’information du taux de glucose en augmentation dans le sang, libère de l’insuline.

C’est l’insuline qui permet au glucose de pénétrer dans le foi, les muscles et les cellules graisseuses. Dès que le niveau de glucose en circulation baisse, alors le niveau d’insuline baisse à son tour. Ce même cycle se répète tout au long de la journée : vous mangez, le glucose augmente, l’insuline augmente, le glucose diminue et l’insuline diminue à son tour. Les niveaux d’insuline sont à leur plus bas le matin, au réveil, puisqu’à peu près 8 ou 9 heures se sont écoulées depuis votre dernier repas.

Mais dans les faits, l’insuline ne fait pas que réguler le glucose sanguin, l’hormone possède d’autres effets, par exemple, elle stimule au niveau de vos muscles la création de nouvelles protéines (la synthèse protéique), de plus elle inhibe la lipolyse (hydrolyse enzymatique des graisses) et stimule la lipogenèse (création de graisse).

Et c’est à cause de la lipogenèse que l’insuline jouit aujourd’hui d’une si mauvaise réputation! Parce que les glucides libèrent de l’insuline, beaucoup de personnes en sont venues à conclure qu’une diète riche en glucides vous rendra gros. Le raisonnement derrière cette affirmation, le voici :
Diète riche en glucides -> Forte libération d’insuline -> Augmentation de la lipogenèse/ Diminution de la lipolyse -> Augmentation du taux de gras -> Obésité.

Dans la même veine, ces même personnes affirment donc qu’une diète faible en glucides est une bonne chose pour la perte de gras, et ce puisque les niveaux d’insuline restent bas :
Diète faible en glucides -> Faible niveaux d’insuline -> Diminution de la lipogenèse/ Augmentation de la lipolyse -> Diminution du taux de gras.

Hélas, cette logique est basée sur de nombreux mythes qui existent en nutrition… voyons ensemble de quoi il en ressort.

1er mythe :Une diète riche en glucides conduit à une élévation chronique des niveaux d’insuline.
Réponse : L’insuline est uniquement élevée suite à la consommation d’un repas chez les individus en bonne santé

 Il est courant de lire qu’une diète riche en glucides conduit à des niveaux élevés d’insuline, et ce en permanence. Il s’en suivrait une prise de masse grasse, et ce parce que la lipogenèse serait supérieure à la lipolyse (souvenez-vous que la prise de gras ne survient que quand le niveau de lipogenèse surpasse celui de la lipolyse). Cependant, chez un individu en bonne santé, l’insuline ne s’élève qu’en réponse au repas que vous prenez. Cela signifie donc que la lipogenèse ne sera supérieure à la lipolyse que durant les heures après un repas (ce qui s’appelle la période « post-prandinale »). A l’opposé, quand vous jeûnez (période entre deux repas, ou durant votre sommeil), c’est bien la lipolyse qui prends le dessus (vous brûlez donc de la graisse).

Sur une période de 24 heures, tout s’équilibre (si l’on part du principe que vous ne consommez pas plus de calories que vous n’en brûlez), vous ne prenez donc pas de poids.
Le graphique ci-dessous présente le cycle de stimulation de l’insuline :

Lipolysis-Lipogenesis1

(Après chaque repas, les cellules graisseuses sont transportées avec l’aide de l’insuline. Cependant, entre les repas et durant la nuit, la perte de gras a lieu. La balance énergétique sera donc de zéro sur une période de 24 heures si l’apport d’énergie est égal à la dépense d’énergie)

Cette balance énergétique est maintenue et ce même si l’apport en glucides est élevé. Citons par exemple la population des Okinawans qui ont une diète riche en glucides, mais un faible taux d’obésité. De plus, citons qu’une diète riche en glucides vous fera perdre autant de poids qu’une diète faible en glucides, si l’apport d’énergie est inférieur à la dépense.

2e mythe : Les glucides provoquent la libération d’insuline, ce qui conduit au stockage des graisses.
Réponse : L’organisme est capable de synthétiser et stocker des graisses et ce même quand le niveaux d’insuline est bas.

L’on croit souvent que l’insuline est nécessaire pour le stockage des graisses…mais c’est faux. Le corps dispose de moyens pour stocker les graisses et ce même quand l’insuline est basse. Citons par exemple l’enzyme Lipase hormono-sensible qui se trouve dans le tissu adipeux. La LHS est chargée de l’hydrolyse des triglycérides et libère dans le sang des acides gras libres. L’insuline annule l’activité de la LHS et de fait l’hydrolyse est stoppée. C’est ce qui pousse certaines personnes à croire que la consommation de glucides conduit au stockage des graisses.

Cependant, les lipides suppriment quand même l’activité de la LHS, et ce même quand l’insuline est basse, ce qui signifie en d’autres termes que vous ne perdrez pas de gras, et ce même quand l’apport en glucides est faible, si vous consommez plus que ce que vous ne dépensez.
Si vous consommez 5000 calories de lipides, vous serez quand même dans l’incapacité à perdre du poids, et ce même si l’élévation de l’insuline est minime, et ce parce que les lipides annuleront l’activité de la LHS. Pour faire simple, même si votre diète est faible en glucides, il vous faudra quoi qu’il en soit manger moins que vous ne dépensez.

3e mythe : l’insuline augmente l’appétit
Réponse : l’insuline supprime l’appétit!

Il est bien connu désormais que l’insuline supprime l’appétit, ce point sera discuté plus bas.

4e mythe : les glucides sont le seul facteur pour la sécrétion d’insuline.
Réponse : Les protéines et les lipides sont également des stimulateurs pour la libération d’insuline.

C’est probablement la mauvaise croyance la plus répandue. Les glucides jouissent d’ une mauvaise réputation à cause de leur effet sur l’insuline, mais dans les faits, les protéines peuvent êtres un stimulateur pour l’insuline au même titre que les glucides. Dans cette étude, on a observé l’effet que deux repas différents pouvaient avoir sur l’insuline. Le premier repas contenait 21 grammes de protéines pour 125 grammes glucides. L’autre repas contenait 75 grammes de protéines pour 75 grammes de glucides, et les deux repas contenaient 675 calories, voici la réponse insulinique :

Glucose-protein-carb-test

Comparaison de la réponse insulinique entre une diète basse en protéine et haute en glucides, et une diète riche en protéines et faibles en glucides.

Voici la réponse du taux de sucre dans le sang :

Insulin-protein-carbohydrate-test

Comme vous pouvez le voir , bien que la réponse du taux de sucre dans le sang soit supérieure avec le repas qui contenait plus de glucides, la réponse de l’insuline n’était pas plus élevée. En fait, la réponse de l’insuline était plus élevée après la consommation du repas riche en protéines, mais cela n’est pas très significatif.

Il serait possible de contester cette étude en expliquant que 75 grammes de glucides ne correspondent pas à une diète faible en glucides, mais là n’est pas la question. Il faut surtout retenir c’est que le repas riche en glucides contenait deux fois plus de glucides, avec une réponse du taux de sucre dans le sang plus forte, mais la réponse de l’insuline était cependant plus basse. Il faut donc retenir que les protéines furent tout simplement un aussi fort stimulateur pour la libération d’insuline que les glucides.

Un autre argument serait de dire que la réponse de l’insuline durerait plus longtemps, mais dans cette même étude, on voit bien que la durée et le taux sont similaires :

insulin

On voit clairement dans ce graphique que le pic d’insuline est survenu plus rapidement avec la diète riche en protéines (Réponse de 45 uU/mL au bout de 20 minutes, pour 30 uU/mL avec la diète riche en glucides).

Cette réponse plus forte de l’insuline est associée avec un meilleur diminution de l’appétit. Les sujets testés se sont sentis mieux rassasiés avec la diète riche en protéines :

Protein-Carb-Meals-Appetite

Dans cette autre étude, on a comparé l’effet de 4 types différents de protéines et la réponse insulinique qui s’en suivit. Durant l’étude, les sujet ont consommé des boissons faites à partir de différentes protéines (Oeufs, Dinde, Poisson et Whey). Les différentes boissons contenaient toutes 11 grammes de glucides et 51 grammes de protéines. Voici la réponse de l’insuline suite à la consommation des boissons :

Insulin-4-different-proteins

Comme vous pouvez le constater, chacune des préparations a conduit à la libération d’insuline dans le sang, et ce malgré la faible quantité de glucides. La réponse varie en fonction de la source de protéines, et c’est bien la Whey qui provoque la plus forte réponse d’insuline.

Il serait possible de contester encore une fois ces résultats en attribuant cette libération à la gluconéogenèse (conversion par le foi des protéines en glucose) : les protéines sont converties en glucides, qui provoqueraient la libération d’insuline. Comme énoncé plus haut, on pourrait répondre que la réponse de l’insuline serait plus lente, et ce puisque que la conversion des protéines en glucose n’est pas instantanée.
Cependant, ce n’est pas le ças…et ce parce que la réponse de l’insuline est survenue rapidement (après 30 minutes) pour se stabiliser après 60 minutes :

protein-insulin

Cette réponse rapide ne s’explique pas par les changement des niveaux de glucose dans le sang, et plus intéressant encore, c’est la Whey qui en plus de causer le plus haut pic d’insuline, provoqua également une chute du taux de glucose :

Protein-glucose

La réponse insulinique était associée avec une suppression de l’appétit. Dans les faits, c’est la Whey (qui provoqua la plus forte réponse de l’insuline) qui provoqua également la plus forte baisse de l’appétit. On voit dans le tableau ci-dessous l’apport en calories des sujets après avoir consommé la boisson protéinée 4 heures plus tôt :

Calorie-Intake-at-Lunch
Les sujets mangèrent quasiment 150 calories de moins au déjeuner après avoir consommé la boisson protéinée ce qui provoqua également la plus forte réponse de l’insuline. Plus précisément, il semblerait exister une forte corrélation entre l’insuline et la consommation de nourriture.

Dans cette étude, on s’est intéressé à la réponse insulinique face à un repas contenant un peu moins de 500 calories (102 grammes de protéines, 18 grammes de glucide et 0 lipides) :

Insulin-response-lean-obese
Comme vous pouvez le constater, la réponse insulinique est extrêmement forte pour les sujet obèses, et ce surement à cause de leur résistance à l’insuline. Le tableau ci-dessous présente la réponse du taux de glucose dans le sang ; vous pouvez voir qu’il n’y a aucune relation entre le taux d’insuline et le taux de glucose, fait similaire à l’étude présentée plus haut.

glucose-response-lean-obese

Le fait est que la protéine est un puissant stimulateur de sécrétion d’insuline, et cette même sécrétion n’est en aucun cas liée aux changement des taux de glucose dans le sang et encore moins de la gluconéogenèse à partir de la protéine. Une étude a montré que le boeuf stimule autant que le riz brun la sécrétion d’insuline.
La réponse du niveau glucose sanguin face à la consommation de 38 aliments différents ne pourrait qu’expliquer 23% de la variabilité de la sécrétion d’insuline dans l’étude. Mais il y a bien plus qu’une simple sécrétion d’insuline par les glucides.

La question qui se pose alors est de savoir comment les protéines provoquent une rapide augmentation de l’insuline, comme vu dans l’étude plus haut ? Les acides aminés peuvent directement stimuler le pancréas à produire l’insuline, et ce sans qu’il n’y ait de conversion en glucose. Par exemple, la leucine stimule directement le pancréas à produire de l’insuline, et il y a une relation directe entre la dose et la réponse, ce qui veut dire que plus il y a de leucine, et plus d’insuline est produite.

On pourrait encore argumenter en disant « Bien sûr, la protéine conduit à la sécrétion d’insuline, mais cela ne stoppera pas la fonte des graisses parce que la protéine provoque également la sécrétion de glucagon, qui annule les effets de l’insuline ». Comme mentionné plus haut, l’insuline annule la lipolyse. Certaines personnes pensent que le glucagon augmente la lipolyse pour annuler les effets de l’insuline.

L’idée répandue que le glucagon augmente la lipolyse est basé sur trois choses :

  1. Le fait que le tissu adipeux possède des récepteurs à glucagon.
  2. Le fait que le glucagon augmente la lipolyse chez les animaux.
  3. Le fait que le glucagon augmente la lipolyse pour ces cellules adipeuses humaines in vitro.

Cependant, les phénomènes observables in vitro ne surviennent pas de manière systématique in vivo (dans votre corps). Citons par exemple une étude ayant permis de mettre fin à cette idée une bonne fois pour toute. Des recherches utilisant des techniques modernes ont prouvées que le glucagon n’augmente pas la lipolyse chez les humains. D’autres recherches utilisant les mêmes procédés ont montré des résultats similaires  Ajoutons enfin que cette étude à échouée à démontrer un quelconque effet lipolytique in vitro.

Il faut comprendre pourquoi du glucagon est libéré en réponse à la consommation de protéines en premier lieu. Puisque les protéines stimulent la production d’insuline, elles conduisent également à une rapide diminution de glucose dans le sang si aucun glucide n’est consommé avec les protéines. Le glucagon permet simplement d’empêcher cette baisse soudaine (si vous ne voulez pas tourner de l’oeil à chaque fois 🙂 )en forcant le foi à produire du glucose.

L’insuline : pas si méchante que ça après tout
En conclusion, l’insuline n’est pas une si terrible hormone liée à la production de graisse qui doit être à tout prix conservée aussi basse que possible. C’est une hormone importante pour la régulation de l’appétit et pour la régulation de glucose dans le sang. Si vous vouliez à tout prix la conserver aussi basse que possible, vous auriez alors une diète faible en protéine, faible en glucides et haute en lipides. Cependant je ne suis pas sûr que ça soit une diète recommandée.

Je suis sûr que certaines personnes éprouveront une dissonance cognitive en lisant cet article. Je le sais, puisque j’ai ressenti la même chose il y a quelques années en tombant sur cette étude montrant que les protéines provoquaient la plus forte réponse insulinique. A l’époque, j’avais les mêmes croyances que la plupart…que l’insuline devait être maintenue basse et que les pics d’insuline étaient quelque chose qu’il fallait à tout prix éviter. Il m’a fallu un peu de temps pour me réconcilier avec cette étude et les idées que je me faisait sur l’insuline. Cependant, au fil du temps, et au fil de mes recherches, j’ai appris que l’idée que je me faisait de l’insuline était tout simplement une fausse idée.

Vous pourriez maintenant vous poser la question de savoir pourquoi les sucres raffinés peuvent êtres un problème. Beaucoup de personnes pensent simplement que cela est lié à la libération rapide d’insuline que leur consommation provoque. Cependant, ce phénomène n’est pas lié à ces glucides raffinés, et ce parce que les protéines provoquent également ce même pic. L’un des problèmes avec ce type d’aliments et un problème de densité énergétique. Avec la consommation de sucres raffinés, il est plus facile de consommer une plus grande quantité de calories. Ajoutons à cela que que les aliments à haute densité énergétique ne sont pour la plupart pas aussi rassasiant que les aliments à faible densité énergétique. En fait, quand il s’agit des aliments riches en glucides, la densité énergétique est un fort prédicateur de cet aliment à provoquer un sentiment de satiété, ce qui veut dire que les aliments à faible densité énergétique conduisent à une meilleure satiété. D’autres problèmes se posent avec ces aliments, mais ce n’est pas le but de cet article.

En conclusion, l’insuline ne mérite pas la mauvaise réputation dont elle jouit. C’est la raison principale pour laquelle les protéines aident à réduire la faim. Vous connaîtrez les mêmes pics d’insulines avec une diète faible en glucides et haute en protéines. Au lieu de vous préoccuper de l’insuline, il serait plus intéressant de se focaliser sur une diète qui vous corresponde aussi bien en terme de satiété qu’en terme d’adhérence. Comme mentionné dans cet article, la réponse de chaque individu face à un type de diète est grandement variable et les résultats pour une personne ne seront pas les mêmes chez une autre individu.

Consulter la deuxième partie du dossier.


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